Dysbiose digestive : le coupable qui freine votre perte de poids

par Marie CUBIZOLLES

16 October 2025

12 min. de lecture

Comment notre santé intestinale impacte notre poids et quelles solutions mettre en place pour améliorer la situation.


On parle souvent de l'intestin comme de notre « deuxième cerveau », mais c'est bien plus que cela : il est capable d’agir sur de nombreuses fonctions dans notre corps comme la gestion de notre poids et de notre santé. Lorsque l'équilibre des milliards de micro-organismes qui y résident est rompu : c'est la dysbiose ! Les conséquences dépassent largement la sphère digestive. La dysbiose influence la destinée des nutriments, transforme la communication entre notre intestin et notre cerveau via le nerf vague, et déclenche une inflammation chronique de bas grade, le moteur de la résistance à l'insuline. Ce déséquilibre crée un cercle vicieux de stress, de sédentarité et de mauvais choix alimentaires, rendant la perte de poids presque impossible. Nous allons voir en détails comment la dysbiose nous impacte négativement sur de nombreux points et, surtout, quelles sont les pistes concrètes pour restaurer un équilibre durable.

A : L’impact métabolique et énergétique de la dysbiose :

1.    Le Leaky Gut ou en français l’hyperperméabilité intestinale :

Cette hyperperméabilité engendre un passage vers la circulation sanguine d’éléments destinés à rester dans le tube digestif. Cela peut être le passage de nutriment : entrainant une absorption plus élevée de calories, mais aussi le passage de Lipopolysaccharides (LPS) bactériens dans la circulation sanguine. Ces derniers peuvent ainsi provoquer une inflammation chronique de bas grade : on a donc un terrain inflammatoire. L’inflammation de bas grade est complétement silencieuse mais on peut la détecter via un bilan sanguin.

Ce terrain inflammatoire (due aux LPS) est le moteur de la résistance à l'insuline, qui est elle-même un obstacle majeur à la perte de poids (stockage des graisses, difficulté à utiliser le glucose). C’est également propice au développement d’autres maladies chroniques et métaboliques et affaiblissent notre santé globale à moyen terme.

Cette hyperperméabilité se produit quand les "jonctions serrées" de la paroi intestinale s’écartent. Pour les maintenir bien serrées nous avons besoin des Acides Gras à Chaines Courtes (AGCC) tels que le Butyrate, le propionate et acétate. Voyons donc l'impact des métabolites bactériens (AGCC) :

Le microbiote fermente les fibres pour produire des AGCC.

En fournissant l'énergie nécessaire à ces cellules, le Butyrate joue un rôle fondamental dans le maintien de l'intégrité de la barrière intestinale. Il favorise la production du mucus protecteur et, surtout, il renforce les jonctions serrées. Ces jonctions agissent comme un ciment qui soude les cellules épithéliales entre elles, contrôlant ainsi ce qui peut traverser la paroi intestinale.

En cas de dysbiose, stress chronique, de régime pauvre en fibres, prise de certains traitements médicamenteux ou encore avec l’âge la production d'AGCC chute. Le manque de Butyrate affaiblit les colonocytes et entraîne la dégradation des jonctions serrées, ce qui provoque une hyperperméabilité intestinale (leaky gut). Cette brèche permet alors le passage d'éléments indésirables (toxines, LPS) dans le sang, déclenchant l'inflammation de bas grade directement liée à la résistance à l'insuline et aux difficultés de gestion du poids comme on l’a vu plus haut.

De plus les AGCC agissent sur la libération d'hormones intestinales comme le GLP-1 et le PYY deux hormones induisant une sensation de satiété après un repas.

Ces AGCC sont donc essentiels pour la santé de la paroi intestinale, mais aussi pour la régulation de la glycémie et la satiété. Par exemple, le propionate est connu pour aider à réduire l'appétit et l'acétate peut influencer la lipogenèse (formation de graisse).

2.    Le microbiote « organe » de décision et de régulation

Le microbiote intestinal ne se contente pas d'aider à la digestion ; il agit sur notre métabolisme en influençant la destinée des nutriments ingérés. Non seulement il fermente les composés que nos enzymes ne peuvent dégrader (notamment les fibres, produisant les bénéfiques AGCC), mais il interagit également avec l'organisme pour déterminer si l'énergie issue de l'alimentation sera stockée sous forme de graisse, utilisée immédiatement par les muscles et les organes, ou simplement éliminée.

Certaines bactéries vont pouvoir favoriser le stockage en incitant le corps à capter plus de calories (ex. : Firmicutes) quand d’autres bactéries favorisent l'élimination en inhibant le stockage des graisses et en diminuant sur la sécrétion de leptine (ex. : Bacteroidetes).

Par cette régulation, les micro-organismes modulent l'extraction calorique des aliments et envoient des signaux chimiques qui influencent directement les hormones de la faim, de la satiété et de l'insuline. Ainsi, l'état et la composition de notre flore intestinale dictent une grande partie de la manière dont notre corps gère l'énergie et, par conséquent, régule notre poids.

B Impact sur les hormones et régulation de l’humeur :

L'intestin, souvent surnommé notre "deuxième cerveau," est le siège d'une communication bidirectionnelle constante avec le système nerveux central via l'axe intestin-cerveau. Cette connexion est en grande partie assurée par le nerf vague, la plus longue voie nerveuse du corps, qui transmet directement les informations (neurotransmetteurs et signaux chimiques) entre le tube digestif et le cerveau. Cette connexion explique pourquoi les déséquilibres intestinaux ont un impact direct sur notre état psychologique et hormonal :

1.    Le Stress et l'Inflammation (Cortisol)

Les troubles digestifs, notamment l'hyperperméabilité intestinale résultant d'une dysbiose, génèrent un stress physiologique perçu par l'organisme. En réponse à l'inflammation chronique de bas grade qui en découle, le corps active l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), conduisant à une production accrue de cortisol. Ce déséquilibre hormonal (excès de cortisol) non seulement amplifie la réponse au stress et l'anxiété, mais favorise également l'accumulation de graisses corporelles (particulièrement abdominales) et la résistance à l'insuline.

2. Altération de la Modulation de la Détente (Sérotonine)

Une grande partie de la sérotonine — un neurotransmetteur crucial pour la régulation de l'humeur, du sommeil et de la détente — est produite dans l'intestin. Le microbiote joue un rôle essentiel dans la modulation de cette production. Une flore déséquilibrée (dysbiose) ou un manque d'AGCC peut altérer la synthèse et la disponibilité de la sérotonine. Cette perturbation est directement liée à l'anxiété, à la dépression et aux troubles de l'humeur, soulignant que la santé mentale est intimement liée à l'état de notre intestin.

3. Altération de la Modulation de l’Appétit et de la Satiété

Le microbiote influence les hormones digestives qui contrôlent l'appétit. Les AGCC, comme le Propionate et le Butyrate, peuvent stimuler la production de peptides intestinaux (comme le PYY et le GLP-1) qui envoient des signaux de satiété au cerveau. Une production insuffisante d'AGCC, causée par une mauvaise alimentation ou le stress, peut affaiblir ces signaux, entraînant une mauvaise régulation de l'appétit, des fringales et une tendance à la suralimentation. Le microbiote est donc un régulateur clé dans la capacité du corps à reconnaître et à gérer la faim.


C Conséquences d’une dysbiose sur le comportement et l’hygiène de vie

1      Des difficultés à digérer :

Lorsqu’on souffre de troubles digestifs : par exemple de reflux, d’un syndrome de l’intestin irritable, d’un SIBO ou encore d’une candidose, les difficultés à digérer sont bien réelles. Souvent les patients souffrant de ces maux adaptent consciemment ou inconsciemment leur alimentation pour soulager les problèmes. Certaines personnes en arrivent à ne plus rien manger par peur de déclencher des symptômes et donc à perdre du poids. D’autres personnes au contraire, auront une alimentation déséquilibrées basées sur les aliments « sécuritaires » pour eux, souvent riches en sucres et en graisses et pauvres en fibres fermentescibles et qui peuvent donc s’avérer très caloriques. On voit alors une prise de poids s’installer.

2.    Entraine une sédentarité :

De nombreuses personnes souffrant de maux de ventre, de diarrhées intempestives : etc., n’osent plus faire de sport, pour certains cela à un impact sur tous les aspects de leur vie : social, sportive, professionnelle… Ils refusent certaines invitations, ne renouvellent pas leur abonnement à la salle de sport, ne vont plus courir ou pratiquer leur sport favori, sont très stressés à l’idée de voyager, ou simplement dès qu’il s’agit de manger.

Cela entraine une plus grande sédentarité qui elle-même peut expliquer une prise de poids ; mais aussi un repli général sur soi, voire un état dépressif quand aucune solution n’est apportée.

3.    Un stress chronique :

Le stress entraine la dysbiose, mais une dysbiose engendre également du stress. C’est le serpent qui se mord la queue. Mais apprendre à gérer son stress peut être intéressant car ressenti de façon chronique il peut à lui seul être le responsable d’un surpoids. En effet, sous l’effet d’un stress nous sécrétons du cortisol qui agit sur le stockage des graisses.


On rentre donc dans un véritable cercle vicieux ! Mais des solutions existent et nous allons voir lesquelles.

D Comment améliorer sa digestion et rétablir un équilibre digestif, quelques pistes à envisager.

1.    Investigation auprès d’un médecin

La première chose à faire est de consulter son médecin traitant qui évaluera la nécessité ou non, selon les symptômes présents, de vous adresser à un gastro-entérologue. Le médecin et /ou le gastroentérologue doivent éliminer les causes pathologiques de ces troubles tels qu’une maladie cœliaque, une MICI (rectocolite hémorragique ou maladie de Crohn), une infection à Helicobacter pylori et bien d’autres pathologies encore.

2.    Adaptations alimentaires.

Dans le cadre du syndrome de l‘intestin irritable, le médecin pourra vous recommander de suivre le protocole de l’alimentation pauvre en FODMAP (suivi d’une réintroduction). Je ne vous conseille pas de le mener seul, ce protocole est complexe et il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour lire les symptômes, ajuster, effectuer les réintroductions (rythme, quantités, familles alimentaires, etc). Un diététicien formé à ce protocole pourra vous guider en toute sécurité et vous éviter des carences également.

3.    Reflux, hypochlorhydrie, SIBO, candidose …

Une investigation approfondie permettra de mettre le doigt sur l’origine du problème. Si on souhaite un mieux-être durable il ne s’agit pas de mettre un pansement pour masquer le trouble. Comprendre l’origine du problème permet d’agir plus durablement et avec un meilleur taux de réussite. Une prise en charge holistique ou on regarde l’hygiène de vie dans son ensemble est donc à mon sens nécessaire.

4.    Quid des probiotiques et des compléments alimentaires ?

Si on peut parfois s’en passer, ils sont souvent une aide qu’il serait dommage d’éviter pour retrouver un meilleur confort ou traiter la cause du trouble digestif. Il faut par contre faire attention dans leur choix : choisir les bonnes souches de bactéries, vérifier les interactions médicamenteuses, les bonnes formules pour que ce soit efficace (et éviter de jeter son argent par les fenêtres) et adapter le dosage au patient. Il faut donc demander l’avis d’un professionnel de santé et pas de supplémenter à la légère.

5.    Hygiène de vie : sommeil, stress, temps pour soi, activité physique …

Dans une prise en charge holistique à 360°, on regardera l’hygiène de vie dans son ensemble et on travaillera à améliorer ce qui peut l’être. Un mauvais sommeil, un stress chronique, une sédentarité trop marquée peuvent par exemple contribuer à la dysbiose intestinale. De plus, l’inflammation peut entrainer une fatigue chronique qui incite de façon inconsciente à se tourner vers une alimentation plus transformée qui continue à alimenter le cercle vicieux. Sans amélioration de l’hygiène de vie, il sera alors difficile d’obtenir des résultats durables.

En plus de travailler sur le sommeil et l'activité physique, il est crucial d'améliorer la sensibilité du nerf vague. Ce "frein" du système nerveux (parasympathique) permet de passer de l'état de stress ("combat ou fuite") à l'état de "repos et digestion".

Des techniques simples pour stimuler le nerf vague incluent :

  • La Respiration Profonde : Pratiquer une respiration lente et diaphragmatique (ventrale).
  • Les Gargarisations : Se gargariser vigoureusement avec de l'eau.
  • Le Froid : Terminer sa douche par quelques secondes d'eau froide ou se rafraîchir le visage.
  • Le Chant/Humming : Chanter ou fredonner à haute voix.

L'activation régulière de cette voie nerveuse favorise la détente, réduit le niveau de cortisol et crée un environnement plus propice à une digestion efficace et au rétablissement du microbiote.

6.    Nourrir son microbiote.

Les études montrent qu’une alimentation majoritairement végétale permet une meilleure diversité des bactéries qui composent la flore intestinale. Selon les végétaux et selon leur mode de préparation on retrouvera des prébiotiques ou des probiotiques. Les prébiotiques représentent les fibres particulièrement apprécies des bactéries : par exemple ail, oignon, asperges, banane verte...Attention cependant en cas de fortes dysbioses, ces aliments pourtant si intéressants ne sont plus tolérés.

On peut également cités les aliments fermentés : Kéfir, kombucha, choucroute, miso, le pain au levain ou encore les yaourts – pour apporter de nouvelles souches.

Plus on a de diversité alimentaire notamment au niveau végétal moins on a un risque de développer une dysbiose.

Mise en Garde : Attention aux "Détox" Restrictives ! Pour favoriser la diversité, il faut justement éviter les régimes extrêmes ou les « détox » basées sur un seul fruit/légume ou un jeûne prolongé aux jus. Ces pratiques entraînent une pauvreté alimentaire drastique qui affame certaines souches bactériennes essentielles. Non seulement elles peuvent provoquer des carences, mais elles réduisent la diversité microbienne, ce qui est l'exact opposé de ce qu'il faut faire pour corriger une dysbiose. Plus vous avez de diversité alimentaire, notamment au niveau végétal, moins vous avez un risque de développer un déséquilibre intestinal.

7.    Importance de la mastication :

Un point que vous pouvez améliorer dès à présent si vous mangez vite, et mastiquez peu. Cela permet souvent une belle amélioration des troubles digestifs. En effet, la digestion début dès la bouche avec les enzymes digestives contenu dans la salive. Bien mastiquer contribue donc à soulager le travail de l’estomac et des intestins et prévient de nombreux troubles digestifs. Même avec une nutrition adaptée, si vous oubliez ce point important vous pourriez passer à côté d’amélioration importante de vos symptômes.

8.    Pratiquer une activité physique, pratiquer des activités ressourçantes, et apprendre si besoin à mieux gérer son stress.

Ce sont aussi des éléments qui contribueront largement à votre mieux être global, qu’on a tendance à sous-estimer mais qui sont des outils très puissants pour la guérison.


Conclusion

L'époque où l'on traitait la digestion et le poids séparément est révolue. La bonne nouvelle est que notre microbiote intestinal est dynamique et qu'il est possible de l'influencer positivement. En privilégiant l'investigation médicale pour éliminer toute pathologie, en adoptant une alimentation riche et variée (loin des régimes de restriction inutiles) et en appliquant des gestes simples mais puissants comme la mastication et la stimulation vagale, vous donnez à votre corps les outils pour sortir du cercle vicieux de la dysbiose et de la prise de poids. Le chemin vers un poids santé est celui de l'équilibre intestinal, la fondation de votre bien-être physique et psychologique. Je mets donc toujours un point d’honneur à améliorer le confort digestif quand j’accompagne mes patients qui souhaite perdre du poids : tout est lié !